Stephanie Freidberg Stephen Demoucelle Parkinsons Disease charity

Stephanie Freidberg, une psychologue clinicienne belgo-américaine de 37 ans vivant à Bruxelles, a accepté de parler ouvertement de son père Stephen, de son expérience de vie avec la maladie de Parkinson, de l’impact que sa maladie a eu sur elle, de la façon dont elle a changé leur relation, de ses regrets, de ses souvenirs les plus chers et de la façon dont le fait de s’occuper de lui l’a rendue plus empathique. Elle espère qu’en étant aussi honnête sur un sujet aussi profondément émotionnel, les autres pourront se sentir plus à même de parler de leur propre expérience de la maladie de Parkinson, que ce soit en tant que patient, membre de la famille ou ami.  

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre père et sur votre relation ?

Mon père était un homme merveilleux. Il avait tout pour lui. Un mot en particulier me vient toujours à l’esprit pour le décrire, et d’autres l’ont dit de lui aussi, c’est « honnête ». C’était une personne honnête, juste et morale. Il était également brillant et extrêmement beau. Il avait un sens de l’humour jovial. Comme je l’ai dit, il avait tout pour lui. Je l’aimais beaucoup et il a été un roc dans ma vie jusqu’à sa mort. J’avais 29 ans, et était enceinte de mon premier enfant.

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Comment votre père a-t-il réagi au début à son diagnostic et comment cela a-t-il changé avec le temps ?

Nous savions tous qu’il se passait quelque chose. Il n’arrêtait pas de dire qu’il ne se sentait pas capable de faire les choses comme avant, et il n’avait que 60 ans. Il lui était devenu difficile de conduire, de marcher, de travailler et de se concentrer et, avec son esprit et son intelligence extraordinaire, c’était tout simplement déstabilisant. J’avais 18 ans lorsqu’il a été diagnostiqué et je commençais à peine l’université, loin de chez moi, donc je n’étais pas là.  Il a essayé de nous protéger, mes sœurs, frère et moi, de la réalité de son état en continuant à plaisanter et à ne pas vraiment parler de ce qu’il vivait.  Je sentais qu’il était accablé, mais il était également soulagé d’avoir ma mère à ses côtés, car elle s’est très bien occupée de lui du début à la fin.

Quand et comment vous a-t-on dit qu’il avait la maladie de Parkinson ? Quelle a été votre première réaction ? Et, comment avez-vous accepté la nouvelle (si c’est le cas) ?

Quand ma mère nous l’a dit, à ma sœur et à moi, je n’ai pas tout à fait compris. Je veux dire que j’avais une idée de ce qu’était la maladie de Parkinson, mais je n’ai pas compris toute l’ampleur de ce que cela signifiait. Je pense aussi que j’étais un peu dans le déni, et étant encore une adolescente, je n’arrêtais pas de penser qu’il était fort et extrêmement intelligent et que la médecine l’aiderait. Je ne sais pas si j’ai vraiment réussi à accepter la maladie. Je n’ai jamais associé le terme « maladie de Parkinson » avec lui. C’est plutôt les symptômes individuels que j’ai dû accepter.

Qu’est-ce qu’un symptôme de la maladie de Parkinson que vous avez découvert et que vous ne connaissiez pas auparavant ? Comment l’expliqueriez-vous à des personnes qui ne connaissent pas la maladie de Parkinson ?

Le plus difficile pour nous, c’est qu’après avoir considéré pendant huit ans qu’il avait la maladie de Parkinson, les médecins ont dit qu’il pourrait aussi (ou peut-être plutôt) avoir une autre maladie, la démence à corps de Lewy. Cela n’a jamais été confirmé.  Mais j’ai été surprise par cette démence, et par la façon dont la maladie détériore lentement mais sûrement un être humain dans son corps et son esprit. .

Qu’avez-vous observé comme étant l’aspect le plus difficile pour votre père de vivre avec la maladie de Parkinson ? 

Qu’il n’était pas capable d’être la personne qu’il avait toujours été avec nous auparavant : de faire des voyages, d’être alerte mentalement et physiquement, et aussi qu’il avait parfois le sentiment d’être un fardeau pour nous ce qu’il ne pouvait pas le supporter. Je sais qu’il se sentait aussi « émasculé » d’une certaine manière.

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Quel a été l’impact de sa maladie sur votre vie ? Qu’est-ce qui vous a manqué ?

Le plus difficile pour moi a été de voir mon père se détériorer pendant 11 ans. Nous vivions séparément, mais je revenais à la maison aussi souvent que possible. J’ai essayé de lui parler au téléphone quand je le pouvais, mais cela devenait de plus en plus difficile pour lui de communiquer, en partie à cause des problèmes neurologiques qu’il avait, mais aussi parce qu’aucun de nous (sa famille) ne pouvait comprendre pleinement ce qu’il vivait et il le savait. Il avait beaucoup de mal à se lever ou à avoir une conversation suivi et parfois nous étions frustrés. Cette frustration me faisait parfois réagir très fortement à son égard. Je me sentais méchante, puis je le regrettais tellement et je me sentais coupable. Mais il était impossible de comprendre ce qu’il vivait. La facilité de ce qui avait été notre relation me manquait.  En fin de compte, tout  était une lutte.

Comment votre relation avec votre père a-t-elle évolué depuis le diagnostic ? Pourquoi ?

Au départ, notre relation a changé parce qu’il y avait cette vérité non dite que personne ne pouvait aborder. Puis la relation a de nouveau évolué parce que cette vérité est devenue inévitable. J’ai fini par m’occuper de lui à plusieurs reprises et je pense que, même s’il était reconnaissant, il était aussi gêné et en colère contre lui-même d’avoir besoin de mon aide. Nos rôles se sont inversés : l’enfant s’occupait désormais du parent.

Stephen Freidberg Stephanie Demoucelle Parkinsons Disease charityComment avez-vous essayé de soutenir votre père?

J’ai essayé d’être là pour mon père en lui racontant ma vie et en essayant d’être heureuse et de faire de mon mieux. C’est ce qu’il a toujours voulu : que ses enfants soient heureux, en bonne santé et indépendants. Je me suis occupée de mon père quand ma mère avait besoin d’une pause. Une grande partie du soutien que j’ai apporté était aussi pour ma mère, afin qu’elle puisse être là pour lui. Donc, indirectement, je l’ai beaucoup aidé. J’ai passé plusieurs semaines avec mon père pendant que ma mère, sa principale responsable, faisait un voyage pour « respirer ». Ces moments ont été parfois difficiles au moment même, mais maintenant je suis très reconnaissante de les avoir vécus.                                       (Les parents de Stephanie: Elisabeth et Stephen)

Qu’est-ce qui a été un apprentissage important pour vous ? Pouvez-vous donner un exemple ? Qu’est-ce que la maladie de Parkinson vous a enseigné, donné ou montré de positif, le cas échéant ?

Il est difficile de dire en quoi cela m’a influencée positivement. Peut-être que cela m’a rendue extrêmement sensible et attentive aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson et d’autres affections neurologiques. J’espère pouvoir aider les familles et les soignants principaux à se sentir moins coupables, car il est fort probable qu’eux aussi aient le sentiment de ne pas en faire assez. Je suis psychologue clinicienne et je sais que mon expérience avec mon père m’a également façonnée sur le plan professionnel car je ressens une très grande empathie envers les personnes malades.

Que souhaitez-vous que les autres comprennent mieux sur la maladie de Parkinson ?

Je pense qu’une des choses qui a beaucoup aidé mon père c’était lorsqu’un psychologue lui a dit: “Monsieur, vous n’êtes pas un parkinsonien, vous êtes un homme, toujours le même, avec la Maladie de Parkinson”. C’est quelque chose à retenir car les premières années de sa maladie, il pouvait encore continuer sa vie, plus lentement, mais en vivant un maximum ce qu’il aimait de faire.

J’aimerais aussi que les gens soient plus sensibles et sachent que la maladie de Parkinson n’est pas seulement une personne qui tremble et qui a besoin d’aide pour marcher. Je me souviens encore de la colère que j’ai ressentie en apprenant qu’un ami de ma sœur avait chanté en plaisantant « Shake, Rattle and Roll » lorsqu’il a appris le diagnostic de notre père.  Souvent, les gens ne savent pas comment réagir à la maladie parce que c’est effrayant et qu’il y a un réel manque de compréhension.  Par exemple, beaucoup ne réalisent pas qu’en plus des symptômes moteurs plus visibles, tels que les tremblements, il existe d’autres symptômes cognitifs de la maladie, comme la démence.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui vient d’apprendre qu’un ami ou un membre de sa famille est atteint de la maladie de Parkinson ?

Je lui conseillerais d’être patient.  Avec le recul, j’aurais aimé avoir plus de patience avec mon père. Il était toujours là, il était toujours présent, mais dans nos vies mouvementées et dans le vif du quotidien, je ne lui ai pas toujours laissé le temps de s’exprimer. . ll faut savoir qu’une personne qui a la Maladie de Parkinson prends plus de temps pour tout faire. C’est extrêmement débilitant pour le patient mais aussi déstabilisante pour son entourage.  J’aurais aimé prendre le temps de le laisser être ce qui il était avec la maladie de Parkinson et ne pas essayer de le ramener à ce qu’il était avant. Parce que c’était un espoir impossible.

Quelle devise essayez-vous de vivre ?

Le bonheur est un choix, pas un acquis. Rien ni personne ne vous rendra heureux tant que vous n’aurez pas choisi d’être heureux. Le bonheur ne viendra pas à vous, il ne peut venir que de vous.

Et, bien, j’ajoute aussi ma citation préférée. Mon père aimait tout ce qui avait trait à l’espace.  Il adorait Star Trek et je me souviens avoir souvent regardé la série et les films avec lui. C’était un homme d’affaires mais il était tellement intéressé par les planètes et les étoiles que je pense que s’il avait pu, il aurait sûrement été à bord de la première navette spatiale commerciale vers la lune. J’ai choisi cette citation pour l’imprimer sur les cartes commémoratives que nous avons envoyées à tous ses amis et à sa famille dans le monde entier. Elle est tirée de mon film préféré Gattaca, qui est en fait pertinent car il traite de la manipulation génétique visant à éradiquer les maladies… ce qui m’a toujours beaucoup intéressé. (Mon mémoire s’intitulait « La perfection génétique ».) Quoi qu’il en soit, voici la citation :

« Bien sûr, on dit que chaque atome de notre corps a déjà fait partie d’une étoile. Peut-être que je ne quitte pas ce monde… peut-être que je rentre chez moi ».

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(Photos : Stéphanie, son père Stephen et son mari Thijs.  Lors de son mariage, Stéphanie a été étonnée que son père l’ait accompagnée dans l’allée plutôt que d’utiliser son fauteuil roulant).